Colloque international sur l’apport des Amazighs à la civilisation universelle

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«M.Mammeri a pris conscience de «la mort absurde» des cultures et des langues, quand de fausses allégations discriminatoires retiraient aux autres langues tous les droits rattachés à la dignité», a expliqué M. Ali Sayad.

Le Colloque international sur l’apport des Amazighs à la civilisation universelle, initié par le Haut commissariat à l’amazighité (HCA), a pris fin jeudi, après deux jours de discussions et d’échanges d’idées entre plusieurs chercheurs et écrivains nationaux et étrangers. Cette rencontre a abordé la contribution variée des Amazighs à la civilisation humaine dans différents domaines, notamment en politique, philosophie, culture, arts et littérature. Les apports sont, donc, réciproques même si le monde amazigh a beaucoup diversifié la réception des apports à l’image de la diversité des occupants, il a aussi donné et contribué, à sa manière, en donnant aux autres ce qu’il a de savant, relevant de son génie. Ce colloque scientifique a, par ailleurs été une tribune pour les chercheurs et universitaires de discuter et identifier des pistes de réflexion pour démontrer la place du peuple amazigh dans l’histoire.

A ce titre, le professeur en linguistique berbère à l’université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, M.Saïd Chemakh, a souligné que «contrairement à ce que pensent certains, la civilisation amazighe a existé à travers l’histoire et contribué efficacement à l’essor de la civilisation universelle». «Pour dire qu’un peuple avait une civilisation, il faudrait que ce peuple ait principalement une organisation politique, et une forme de société, un système d’économie et un autre de valeurs», a-t-il dit, ajoutant que «tous ces facteurs étaient présents dans l’histoire amazighe». «L’histoire des Amazighs, étroitement liée à celle des occupants qui se sont succédé sur leur terre, faite de périodes de guerre et de paix, a brassé dans son giron, les différents apports, de part et d’autre, qui ont permis, certainement, au monde d’évoluer», a également affirmé ce chercheur. Le socio-linguistique Mouloud Lounaouci indique que «l’histoire appartient aux vainqueurs. Peuple plutôt pacifique, l’Amazigh n’a paradoxalement pas tiré profit de la position géographique, stratégiquement incomparable de son pays. C’est précisément cette qualité qui lui a valu le qualitatif de terre de conquête. Jamais depuis le premier millénaire avant J.C. le peuple amazigh n’a eu de répit. Il a eu, depuis, à faire face à de nombreux conquérants. Difficile donc de fonder un Etat unitaire, reconnu comme tel, à même de revendiquer la production intellectuelle de ses citoyens et de se voir reconnaître sa participation à l’effort universel pour le développement de la communauté humaine».

Citant des exemples tels que Shesneq, Apulée de Madaure, Massinissa, saint Augustin et Ibn Khaldoun qui demeurent, a-t-il souligné, «des penseurs amazighs dont on ne peut aujourd’hui nier la portée universelle». Précisant que «le fait de rédiger, aujourd’hui, en français ou en arabe ne fait pas de nous des Français ou des Arabes, comme le fait de rédiger en phénicien ou en latin ne faisaient pas d’eux des Phéniciens ou des Romains». De son côté, Ali Sayad, indique que «les ethnies se confondent plus intimement à la nature qui les entoure, alors que les sociétés alphabétisées s’en séparent. Plus les individus se font "lettrés", plus ils cherchent à se démembrer du milieu où ils vivent. Différentes régions du monde sont concernées, aujourd’hui, par la mondialisation et l’économie de marché et tout le processus socioculturel précipité». Et d’enchaîner que «M.Mammeri a pris conscience de "la mort absurde" des cultures et des langues, quand de fausses allégations discriminatoires, retiraient aux autres langues tous les droits rattachés à la dignité. C’était les autres qui nous jugeaient alors qu’on était le sujet et la matière. Pour les autres, notre présence était transitoire, ludique, secondaire et exotique. On a jamais été les véritables sujets des problèmes posés».


La délocalisation de ce colloque de la Bibliothèque nationale du Hamma (Alger), vers la salle Ibn Zeïdoun reste un point noir. Ce changement de dernière minute, qui n’est pas négligeable, mérite certainement d’être cité et que l’on tire la sonnette d’alarme pour qui veut l’entendre. Pour des raisons techniques ou autres... cela n’est pas une raison de s’apitoyer sur son sort car le sort n’a rien à voir avec la pitié.


Source: L'Expression
 

 

 

Publié dans Histoire

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