République Islamique Algérienne

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Sous Chadli Bendjedid  

(12 juin 1990 au 26 décembre 1991) 

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L’Algérie a connu sa République Islamique « Dawla Islamia » sous le règne de Chadli Bendjedid entre 1990-1992. Juste après celles de l’Iran de Khomeiny, du Soudan de Tourabi, de l’Afghanistan des Talibans, de l’Arabie Saoudite des Wahhabites... Le  gouvernement de Kasdi Merbah, le Conseil Constitutionnel de Ben Habylés, l’APN de Belkhadam, le FLN de Abdelhamid Mehri... en sont témoins. Et certains ont facilité son existence.

 

Cette période de son règne, d’une durée de deux ans a fait du tort à l’Algérie entière. Cela nous montre ce qu’une société gérée par une direction théocratique d’inspiration islamiste. Elle n’a généré qu’une guerre civile, entrainant la mort de plus de 200 000 personnes tant civiles que militaires. Une tragédie à méditer, une leçon à apprendre pour que les générations à venir  ne recommenceront pas cette expérience de laboratoire de Frankstein.

 

1.     Origines  de la République Islamique Algérienne

 

Le régime de Chadli Bendjedid s’efforçant de développer sa propre  stratégie légitimiste islamiste contrecarre le forcing de la mouvance islamiste en  procédant de la sorte:

 

·        En 1984 l’APN-FLN, vote un code la famille inspiré des conceptions les plus rigoristes et qui limite les droits des femmes.

·        Construction des mosquées et salles de prière financées par l’état où officient des prédicateurs contrôlés par le ministère des affaires  religieuses

·        en 1985, inauguration de l’Université islamique Emir Abd El Kader à Constantine avec sa mosquée.

·        Il fait venir successivement d’Egypte des frères musulmans notoires à l’instar de deux cheikhs  les plus célèbres du monde musulmans : Mohamed El Ghazali et Youcef  El Qaradhawi.

·        Il fait venir par l’ambassade Saoudienne, l’ancienne porte de la Kaaba qu’il expose au Palais de la Culture.

 

Groupe de Bouyali

 

Comme par hasard, Mustapha Bouyali, surnommé Yasin, dirigeant d'un groupe appelé Mouvement Islamique Algérien (MIA) est en activité de 1981 à 1987, début du règne de Chadli. Ce groupe a tenté de mener une guerre contre l'Etat algérien à partir des montagnes de l'Atlas, près du village de Larda (24 juin 1987) pour établir un Etat islamique géré par un conseil consultatif coranique. Après une série d'opérations contre les forces de sécurité entre 1985 et 1987, Mustapha Bouyali est tué par la police en 1987. Près de 200 de ses partisans sont traduits en justice dont quatre d'entre eux ont été exécutés. Ils seront graciés qu’en 1989 à la faveur de l’avènement « démocratique » par le Président Chadli BendjedidA cette époque, le président a été sensibilisé par les généraux Larbi Belkheir, Khaled Nezzar et Bendjelti Hassen dit "Abderazak" sur la nécessité d’une amnistie générale qui devait exonérer à la fois les islamistes et les "tortionnaires".

 

Retour des Afghans

 

À côté de groupes de fanatisés qui veulent en découdre avec le régime en employant des méthodes qui relèvent de la criminalité et sans fondement particulièrement religieux, il y a un autre espèce de groupes, comme ceux qu’on appelle les « Afghans », quelques centaines de vétérans algériens de l’Afghanistan qui en fait n’ont pas constamment lutté contre l’armée soviétique, qui reviennent en héros, avec des conceptions très rigides sur l’application de la loi islamique. Ils sont organisés dans des réseaux déstructurés. Parmi eux, il y a des adeptes de la communauté Al-hijra wa At-takfir (Exil et Rédemption). Leur idéologie va connaître des excès monstrueux dans les années suivantes,

 

Affrontements gauchistes-islamistes

 

Sur le même registre, les affrontements entre militants de gauche (Communistes-Berbéristes) et les intégristes (Baathistes, Pan arabistes). Le point culminant de ces batailles s'est déroulée le 2 novembre 1982, à la cité universitaire de Ben Aknoun à Alger, quand des étudiants intégristes tuèrent Kamal Amzal, militant Trotskyste-Posadiste.  

 

A la suite de ce meurtre une réunion  a eu lieu à Alger, le 12 novembre 1982, où un Appel islamiste fut adopté par Abbassi Madani, dirigeant du FIS. Il stipule l’instauration intégrale de la Charia, et l’opposition à la participation des femmes à l’emploi, à la mixité dans l’éducation.

 

2.     Emeutes du 5 Octobre 1988

 

La thèse d’un complot préparés par les Communistes, les mécontents du FLN, syndicalistes... en vu d’en finir avec Chadli et son régime se fait connaitre par les milieux proches de Chadli

 

Il faut savoir que la révolte des citoyens en octobre  1988 était aussi le résultat de la faillite politique gouvernementale. Sa conciliation avec le FMI à rembourser la dette accablante a mené à une flambée du chômage, particulièrement parmi les jeunes, à une pénurie alimentaire, à une remise en cause systématique des acquis sociaux et à une augmentation des taxes et des impôts. Le déclenchement a eu lieu par une simple grève à l’usine de construction de véhicules industriels SNVI de Rouiba, forte de 10.000 travailleurs.

 

Chadli joue les islamistes contre les autres sans obédience politique ou religieuse, les laissant manifester dans les rues d’Alger. De la mosquée Kaboul (Belcourt)... Ali Benhadj rentre en scène, harangue les foules.

 

Le comble Chadli reçoit le 10 octobre 1988,  Sahnoun, Ali Benhadj et Mahfoudh Nahnah, les consacrant interlocuteurs valables pour apaiser la tension de la révolte. Ainsi il a éliminée toute représentation légitime émanant de l'ensemble du peuple en rébellion contre le pouvoir en place.

 

Naissance du FIS

 

aliSuite aux mouvements de révolte d’octobre 1988 et à l’ouverture politique grinçante, concédée par le pouvoir frileux, une loi relative à la création des « associations à caractère politique » est votée le 5 juillet 1989 par le parlement. Le 10 mars 1989, le FIS (Front Islamique du Salut), est proclamé religieusement à la mosquée Ben Badis d'Alger. Des compagnons de Mustapha Bouyali, des anciens du FLN (Abassi Madani, Youcef Benkheda, Mohammedi Saïd...) en font partie. Ce  parti d'essence islamiste  est agréé en septembre de la même année. Abassi Madani en est le président, Ali Benhadj, le vice-président. Très vite, le parti se développe avec une prétention tyrannique, (tous es autres partis sont considérés des Sanafirs).

 

La  loi relative à la création des « associations à caractère politique » votée le 5 juillet 1989 est anticonstitutionnelle.  Dans son article n° 5, elle stipule : « L’association à caractère politique ne peut, en outre, fonder sa création ou son action sur la base exclusivement confessionnelle, linguistique, régionaliste ».

 

C'est sous gouvernement de Kasdi Merbah, et sur décision du Président Chadli Bendjedid que la légalisation du FIS a été effectuée. Tous les tenants du pouvoir ont plus au moins fermé l'œil sur son institutionnalisation, jugée apparemment sans danger

 

Dés les premiers mois de son existence légale, le FIS multiplie les démonstrations de force. La première livraison de son hebdomadaire « Al Munqidh » (le sauveur) qui parait en octobre et tire à 200 000 exemplaires, exige la libération des anciens membres du groupe Bouyali incarcérés par la justice des « impies ».

 

12 juin 1990, élections municipales

 

Aux élections municipales du 12 juin 1990, le FIS bat tous les records, obtenant plus de 4 millions de voix. Il contrôle 853 assemblées communales (54,25 % des votants) sur les 1 540 et 32 assemblées de wilaya (57,44 % des votants) sur les 48 que compte le pays.

 

Lors des élections municipales, le mari a le droit de voter à la place de sa femme, comme l'autorise le Code de la famille. En plus, après un divorce, la femme est privée de son logement, de la garde des enfants …

 

Le FIS gère les communes

 

         Réglementation de la vie publique et privée (application de la charia)

 

Une fois les communes acquises, le FIS dessine sa "République Islamique". Il structure la société en créant une milice, une sorte de police des mœurs, pour imposer un ordre conforme au début de l’Islam.

 

Voile imposé aux employées municipales et aux femmes acquises à leur ligne politique

 

                        En mai 1990, un conflit éclate dans l’hôpital militaire de Aïn-Naâdja. Des infirmières portant le foulard refusent de l’ôter malgré l’interdiction de l’administration de l’établissement. Le FIS s’en mêle, engageant un bras de fer avec les responsables militaires. Abbassi Madani qualifie la décision de l’administration d’« anticonstitutionnelle et illégale » ; Ali Benhadj déclare de son côté que ceux parmi les membres des services de sécurité « qui adorent Dieu, vont se retourner contre leurs généraux».

Il interdit les:

Night clubs

Plages mixtes

Bûche et Sapin de la St Sylvestre

Robe de mariée et chants  et danses, cortège de mariage

Introduction de chants religieux (tejouid) dans les fêtes scolaires (Youm El Ailm)

Séparation de sexe dans le transport public, écoles, hôpitaux...

Cinéma (fermeture de la cinémathèque de Bordj Bou Arreridj)

Concerts annulés de Amar Ezzahi, Chaou, de Linda De Souza…

Ecoles d’art et musées (interdiction du model vivant et destruction d'œuvres)

Monuments publics (buste d’Emir Abd El Kader déboulonné à El Harrach, sanctuaire deRiadh El Fath souillé...)

Boycott de fêtes nationales et visites officielles

 

Lors de la commémoration du 1er novembre 1990, date anniversaire du déclenchement de la lutte de libération contre le colonialisme, Abbassi Madani refuse de se rendre aux festivités officielles auxquelles il a été invité par le président de la République

 

Le 27 novembre de la même année, lors de visite de la reine Fabiola de Belgique et de son mari le roi Albert, le président de l’Assemblée populaire de la wilaya d’Alger, M. Bachir Touil, refuse de serrer la main de celle-ci.

 

Interdiction de débits de boissons alcoolisées

 

Le FIS pense même raser les champs de vigne (arrêter l’exportation de vin), comme il l’a déjà fait précédemment le président Houari Boumediene.

        

         Séisme de Tipasa  (29 octobre 1989)

 

Le séisme de Tipasa a été une opportunité inéluctable pour que le FIS fasse un scoop médiatique. L'Islam au secours du peuple abandonné à son sort, par l'état. Des médecins, infirmiers et sauveteurs arrivent sur le lieu du séisme, dans des ambulances frappées du sigle du parti FIS. 

 

         Guerre du Golfe (1990-1991)

 

Des militants du FIS s’installaient durant l’été dans des camps de toiles dressés dans les montagnes pour y faire soi-disant du camping sauvage, au menu entraînement para militaire et arts martiaux.

 

Ali Benhadj revêtu d’un treillis militaire, déferle son venin devant le ministère de la défense nationale, en demandant la formation d’un corps de volontaires destiné à aller combattre aux cotés de Saddam Hocine.

 

Scrutin du 27 juin 1991

 

abassi3 juin 1991, le chef du gouvernement Mouloud Hamrouche et son ministre de l’intérieur Mohammed Salah Mohammedi, obtiennent de Madani qu’il stoppe la grève.  A 2  heures du matin le 4 juin 1991, sans avoir informer le gouvernement, l’armée, la gendarmerie et la police intervienne pour nettoyer des places qu’ils occupent. Puis il s'en est suivi du limogeage de Hamrouche et Chadli placé en « résidence surveillée ». La plupart des dirigeants du FIS seront mis en prison, dont ses deux principaux responsables qui ne seront libérés qu’en 2003. Tout l’appareil du FIS est démantelé, 469 cadres et activistes sont interpellés. Le 10 juillet sont ouverts des centres de sûreté, où des personnes arrêtées administrativement seront internées. Le FIS est traqué, des mosquées et locaux sont perquisitionnés ; les forces de l’ordre y trouvent des armes et des cocktails Molotov. Ali Benhadj, affirme dans une  conférence de presse que « l’Islam autorise les musulmans à détenir des armes et à les utiliser pour combattre leurs ennemis », comme il aurait demandé à des militants de « stocker toute arme qu’ils trouveraient, kalachnikov ou explosif »

 

Le 25 juin, trois des leaders du FIS: Ahmed Merrani, Bachir Lefkih, El Hachemi Sahnouni s’expriment en public pour dénoncer l’« aventurisme » de Abbassi Madani et Ali Benhadj, accusés de semer « la discorde (fitna) entre les Algériens. D'autres « dissidents » se sont fait connaître tels, Benazzouz Zebda, et Saïd Guechi.

 

Scrutin du 26 décembre 1991

 

En prélude du bal législatif, le peuple  a eu comme concert la macabre affaire de Guemmar, 28 novembre 1991 où des militaires se sont faits massacrés. Ce sera le coup d’envoi d’actions terroristes sur le territoire algérien. Pourtant Sid Ahmed Ghozali, l’homme au papillon  promet des élections « libres, propres et honnêtes ».

Le FIS rusé comme un renard, a utilisé

·        Une technique sophistiquée « enveloppe vide » qui lui a permis d’améliorer frauduleusement son score. De la tricherie accordée par Dieu 

·        Des militants du FIS ont reçu plusieurs cartes électorales chacun, autant de changements d’adresse, au cours des dix dernières années, autant de cartes. Ils ont voté plusieurs fois.

·        Près d’un million de cartes ne sont jamais arrivées à leurs destinations

·        Deux mois pour préparer les élections (ce n’est pas suffisant)

·        Seul le FIS a contrôlé le scrutin

·        Chaque citoyen devait se munir de sa carte d’électeur et d’une pièce d’identité (chose impossible)

 

Mode de scrutin

 

La loi électorale votée le 13 octobre 1991 dans le sens de la proportionnelle n’a pas été révisée par l’APN, présidée par Abdelaziz Belkhadem. Le scrutin uninominal à deux tours, élimine dés le premier vote la quasi-totalité des candidats n’appartenant à aucun des trois partis : FIS, FLN, FFS. Le scrutin proportionnel intégral par wilaya permet une représentation mieux repartie.

 

Mohammed Saïd, imam de la mosquée El Arkam de Chevaley (El Biar) tué par le GIA, lâche la phrase qui va sceller sa célébrité : «  J’appelle les algériens à se préparer à changer d’habitude vestimentaire et alimentaires. »

 

Il parait que Chadli a eu un entretien avec les dirigeants du  FIS fin novembre 1991 à Chréa. Il préparait une éventuelle cohabitation avec un parlement à majorité islamiste.

 

Scrutin du 16 janvier 1992

 

Le scrutin du deuxième tour législatif n’a pas eu lieu. Un coup d’état constitutionnel  l’a annulé.

 

Des réunions des généraux dits « Janvieristes » ou « Décideurs » ont eu lieu à l’insu de Chadli au siège du commandement des forces  terrestres à Aïn Naâdja.

 

Khaled Nezzar, Genneral-major, ministre de la défense

Abdelmalek Guenaizia, chef d’état major

Mohammed Lamari,  commandant des forces terrestres, décédé en février 2012

Mohammed Touati, chef du département opération de l’état-major

Mohammed Mediene, dit Toufik, chef des services (DRS)

Abdelmadjid Taright, inspecteur général des forces navales

Bennabes Ghezeiel, commandant la gendarmerie

Larbi Belkheir, général, ministre de l’intérieur décédé en janvier 2010

 

Joints par des commandants de régions militaires :

Ahmed Djennouhat, 1ere R M (Blida)

Rahim Khelifa, 2éme RM (Oranie)

Taleb Derradji, 3éme RM  (Est)

 

Puis des hauts fonctionnaires de l’état, des « décideurs » à l’instar de Sid Ahmed Ghozali, 1er ministre, Aboubakar Belkaid, ministre de la communication, Abdelmalek Benhabyles, président du conseil constitutionnel, Ali Haroun, ex ministre des droits de l’homme... se sont joints à ce « conclave militaire » pour constituer un barrage aux islamistes.

Une pétition  de demande de démission signée par 181 d’officiers supérieurs a été adressée à Chadli.

 

Le 11 janvier 1992, Chadli a été remercié de ses accointances avec le FIS. Il s’en est suivi de la dissolution du parlement de l’arrêt du processus électoral. Et le déluge provoqué par la légalisation du FIS, continue de semer la mort et lE malheur.

 

Conséquences

 

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Des chiffres terrifiants : 200 000 morts, 12 000 disparus, 13 000 internés, 400 000 exilés et plus d’un million de déplacés. Sans évoquer le sinistre qui a frappé l’économie du pays, l’appauvrissement de la majeure partie de la population (la paupérisation touche environ 20% de la population et selon les estimations de certaines ONG 15 millions d’algériens vivent au-dessous du seuil de pauvreté, ce qui est paradoxal pour un pays riche comme l’Algérie), le retour des maladies éradiquées il y a plus de vingt ans (typhoïde, tuberculose…) et des fléaux sociaux (la corruption, la résurgence du banditisme, la prostitution, le trafic de stupéfiants, les suicides….).

 

Bibliographie

 

1.     Jihad, expansion et déclin de l’islamisme, Gilles KEPEL, Gallimard 2000

2.     La salle guerre, Habib SOUAÏDIA, Gallimard, 2001

3.     Qui a tué à Bentalha, Nesroulah YOUS, La découverte, 2000

4.     La nouvelle guerre d’Algérie, La découverte, 1999

5.     Le Maghreb en mutation, Bruno Callies de Salies, Maisonneuve et Larose, 1999

6.     La poudrière algérienne, Pierre DEVOLUY-Mireille DUTEIL, Calmann-Lévy, 1994

7.     Comité Justice pour l'Algérie, Le mouvement islamiste algérien entre autonomie et  manipulation,      Salima Mellah, Mai 2004

 

NB

19 octobre 2012

 

 

 

Publié dans Politique

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