Chadli, 13 ans de pouvoir sans partage...

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Je ne voudrai  être ni un nécrophage, un croque-mort... ou un pleureur, se vengeant sur des personnes qui ont façonné à leur guise, l’architecture politique algérienne, et qui sont décédées aujourd’hui,  à l’instar de Chadli Bendjedid ex président-colonel, lequel n’a apporté que désolation et ruine à la société, sur tous les plans : culturel, social, économique et politique.

 

Tous les citoyens se souviennent des années de la « Corne d’abondance » caractérisées par l’attribution de véhicules importés du Japon : Honda Kwintet, Accord, Civic… de l’ouverture de coopératives commerciales du ministère de la défense, du FLN (des bananes, des ananas, du gruyère…) aux gradés de l’armée et à la nomenklatura consacrée par l’article 120. Des terres de la Mitidja, du Domaine Bouchaoui dénationalisées, distribuées à un Dinar symbolique entre les charognards. Et on parle de 26 milliards de Dollars de dettes sur le dos de l’état-providence. Le petit peuple n’a pas accès aux richesses de son pays, n’a que les yeux pour pleurer son indigence. Les plus chanceux ont eu droit aux patates et au lait Lahdha des souks el fellahs ou aux Passat, Zastava... vendues par la SONACOME.

 

Tous ont en mémoire, ses généraux nouvellement galonnés qui pavoisent leur joli uniforme à Riadh El Fath... Des affaires : l’OCO (prostitution de luxe) à Ben Aknoun, de l’Institut Pasteur (budget détourné), des conteneurs D15, métro d’Alger, du Trésor public (prêts à outrance), de l’affaire Mouhouche (Toufik Bendjedid, fils de Chadli) ...  ? Tant de malversations !

 

Et celui qui était à la tête de l’état à cette époque-là et pour lequel on décrète 8 jours de  deuil national n’était que le laxiste Chadli Bendjedid,  responsable du Far West politique. Au jour d’aujourd’hui, on le glorifie, on l’adule, on évoque avec honneur son parcours de héros national.

 

Mais quand on se penche avec clairvoyance sur son cheminement et par rapport à la société, c’est un homme bassement médiocre, un taré, un comploteur, un... Il n’est ni un opposant au régime en dérive, ni aux islamistes radicaux... Il est du sérail militaro-FLN qui a régné sans partage durant trois mandatures présidentielles, du 7 février 1979 au 11 janvier 1992.

  • En quoi il est un  bienfaiteur, un zaïm, un démocrate convaincu ?
  • Que doit-on à cette personne qui a mené le pays à la ruine ? 

Rien de rien...

 

Putschiste

 

Personne n’a oublié qu’il a fait partie du groupe d’« Oujda », armées des frontières de l’est et de l’ouest, lequel a confisqué la révolution algérienne  et liquidé ses révolutionnaires à l’instar du colonel Krim Belkacem assassiné à Francfort le 18 octobre 1970. Sa condamnation à mort par Boumediene a été prononcée à la région militaire d’Oran dont Chadli était le commandant. Aussi en  tant que membre du clan d’Oujda, il a cautionné l’écrasement du soulèvement de la wilaya 3 et du centre en 1963, sous la direction de Ait Ahmed et du colonel Mohand Ou El Hadj exterminant plus 500 moudjahidines kabyles. Il était aussi membre du conseil de la révolution sous les ordres de  Boumediene, qui a fait le coup d’état le 19 juin 1965, destituant Ben Bella. Chadli, sinistre personne habituée au complot, comment d’un jour au lendemain pourrait-il devenir démocrate ?

 

Cumul de postes et de biens

 

Ce natif de la région d’Annaba, a cumulé des postes-clés de l’état en mettant la main sur la présidence du FLN et le ministère de la défense. Il a soudoyé les nouveaux généraux en les laissant faire... nager dans le bonheur. Il pratique le népotisme, en nommant notamment les membres de sa propre famille et de ceux de sa femme Halima Bourokba, aux hauts postes de l’état, tel que son beau-frère, ex wali (préfet) de Tipasa. On croit savoir qu’il est propriétaire du Grand Café Riche d’Oran, de villas au quartier les Castors, à Mostaganem, à Bousfer, à Staoueli, Douaouda, Chréa, de bateaux de plaisance à  Bordj El Bahri  (Tamenfoust) ...

 

Printemps Amazigh (20 avril 1980)

 

Le président-colonel a lancé une vaste opération du maintien de l’ordre en réprimandant dans le  sang et la  terreur le Mouvement  Culturel Amazigh, qui s’est constitué suite à l’interdiction de la conférence sur la poésie ancienne, que Mouloud  Mammeri, chercheur, linguiste devait donné. Plus tard en 1985 c’est la Ligue des Droits de l’Homme qui attirera les foudres chadliennes. Il bannit toutes expressions universitaires, syndicales, linguistiques, culturelles...

 

Des enfants de martyrs torturés (5 juillet 1985)

 

Des enfants de martyrs de la guerre de libération nationale déposent des gerbes au cimetière à la mémoire de leurs parents morts au champ d'honneur, à l'occasion du 23e anniversaire de l'indépendance. Des arrestations sont opérées, pour réprimer cette initiative citoyenne. Plus de 200 personnes arrêtées dont des veuves de martyrs, conduits et torturés à la malencontreusement célèbre caserne de la S.M de Bouzaréah.

 

Le 29 octobre 1985, c’est Aït Menguellet, poète-chanteur engagé, d'expression Amazighe qui est inculpé et condamné à 3 ans de prison pour "détention d'armes " (vieilles armes de collection).

 

Assassinat d’Ali Meceli (7 avril 1987)

 

L’opposition muselée, étroitement surveillée à l’intérieur du pays, tente de se structurer à l’étranger, à l’exemple du FFS et du MDA qui ont signé des accords d’une stratégie commune à Londres en 1985. Des séances de travail ont eu lieu entre les deux partis et un programme est élaboré, pour mener des actions de grandes envergures. Hélas, sous les ordres de Chadli, les services de police assassinent en plein Paris, Ali Meceli, avocat et militant démocrate, catalyseur de ce projet.

 

Emeutes (5 octobre 1988)

 

Suite aux manifestations de ras-le-bol, de misère, qui ont eu lieu à Alger et partout en Algérie, l’armée sous le haut commandement de Chadli (ministre de la défense de 8 mars 1979 au 25 juillet 1990) a donné ordre de tirer sur le peuple, tuant plus de 600 manifestants, des milliers de personnes qui demeurent handicapés à vie... Mais, sous la pression de la rue le pouvoir de Chadli a cédé, plébiscité faute de mieux le 22 décembre 1988, il fait adopter la 4eme constitution le 23 février 1989 qui ouvre la porte au processus démocratique, au multipartisme, à la liberté d’expression. Désormais, la rue a gagné malgré la terreur instaurée par l’oligarchie depuis une trentaine d’années.

 

La victoire certaine du FIS (parti de dieu)

 

En septembre 1989, Chadli a légalisé le FIS, un parti islamiste prônant l’instauration d’un Khalifat au détriment d’une république laïque, une économie de bazar, la charia (loi islamique), abolition des droits de la femme : interdiction de l’avortement, application du « Zouadj el moutaa » (mariage de jouissance...) établissement d’une carte d’identité islamique, imposant le hidjab.

 

Suite au séisme de Tipasa et la guerre du Golfe, les élus du FIS ont entreposés dans des casemates aménagées dans les maquis et des caves des mosquées, des armes, munitions, nourriture, médicaments... en vu d’une guerre civile éventuelle. Des militants de FIS s’entrainaient aux armes, encadraient les quartiers populeux, promettant aux personnes âgées le pèlerinage à la Mecque, des lotissements pour la construction de logements, favorisant le soutien scolaire aux recalés, développant les souks islamiques... Et pour endormir les citoyens incrédules, analphabètes, ils ont ramené une équipe américaine pour écrire à l’aide d'un rayon laser, le nom d’"Allah Akbar" dans le ciel d’Alger. C’est dans ce climat de doute, de terreur... sous le regard approbateur de Chadli, que les élections législatives ont eu lieu le 26 décembre 1991.

Répression transformée en campagne électorale

Le 27 mai 1991 les partisans du FIS occupent les rues d’Alger et lancent
les slogans : «A bas la démocratie !" "Un Etat islamique sans vote" "Ni charte, ni constitution, parole de Dieu, parole du prophète". "Nous voulons des comptes et non des élections !" "La grève politique est le commencement de l’Etat islamique". "L'armée et le peuple sont avec l'Islam. ». Ils lancent une grève illimitée, la  désobéissance civile violente, soutenues par le SIT, occupant les places publiques de la capitale, le 25 mai 1991 et appelant à l’élection présidentielle anticipé, au lieu des élections législatives qui devaient avoir lieu le 29 juin et le 18 juillet 1991.

 

Les forces de l’ordre et la gendarmerie utilisent des moyens expéditifs, pour les déloger : arrestations  de leurs dirigeants, causant la mort de dizaines de personnes, des centaines de blessés... Un état de siège est instauré le 5 juin 1991. Ghozali nommé premier ministre, remplaçant Hamrouch, courtisait  le FIS en intégrant des membres de sa direction:  Guechi, Merani et Lamouri dans son gouvernement. Il a aussi convaincu le courant « algérianise » nouvellement constitué, issu d’un congrès à Batna conduit par Hachani pour participer  aux élections législatives reportées au 26 décembre 1991 (1er tour). Hachani accepta de participer aux élections, après l'expulsion de personnes telles que Saïd Mekhloufi, qui avait préconisé l'action directe contre le gouvernement. Néanmoins à la fin novembre, des islamistes armés proches de l'extrémiste groupe "Takfir wal Hijra" attaquèrent un poste frontalier à Guemmar, annonçant le conflit à venir.

 

C’est le général Belkheir, ministre de l'intérieur, qui s’empresse de donner les résultats du scrutin en la salle Ibn Khaldoun (le FIS remporte 47,5% des suffrages,  gagnant 188 des 430 sièges dont disposent le parlement, avec un taux de participation de 38 % et un gouvernement du FIS semblait inévitable). Malgré les promesses tenues par Ghozali qui parlait d’ « élections propres » les résultats sont entachés d’irrégularités, de fraudes, des violences... On note que : 1 million  d’électeurs n’ont pas reçu leur carte de vote, certains jugés laïques ne figurent pas sur la liste électorale de leur commune respective, d’autres ont voté à leur place. Puis l’abstention est significative, vu le climat de l'insécurité aux bureaux de vote et aux abords…

 

Les secret de la réussite, c’est qu’une fois les élus du FIS aux municipales et aux départementales se sont installées à leur poste, ils se sont emparés des fichiers de l’état civil et les ont modifiés à leur avantage.

 

Coup d’état constitutionnel et démission (12 janvier 1992)

 

Devant une éminente victoire du FIS au deuxième tour, un groupe de militaires (les janviéristes), force Chadli à remettre les clés du palais d'El Mouradia. Ainsi, devant la télé, l’air grave, le locataire du palais des hauteurs d’Alger, annonce sa démission et la dissolution du parlement. De ce fait, c’est la vacance du pouvoir. Pour légitimer la nouvelle direction, les nouveaux maîtres de l’Algérie  remettent aux mains du Haut Conseil du Sécurité (HCE) tous les pouvoirs, celui-ci crée le Haut Conseil d’Etat (HCA), à sa tête une présidence assurée par Boudiaf rentré illico presto d’exil au Maroc. Le HCA gèle les activités des partis  politiques, annule le processus électoral (le 2ème tour des élections législatives) en interdisant le FIS. « La récréation démocratique est terminée. C’est l’état d’exception ! »

 

La suite est  macabre : assassinats de personnalités politiques, culturelles, syndicales, religieuses, du monde des médias : Boudiaf, Kasdi, Belkaid, Benhamouda, Hachani, Hardi, Fathallah, Bouslimani, Matoub, Djaout, Abada, Yefsah, Hasni, Asselah, Aloula, Bousebci, Mahiou, Flici, Sahnoun... pour ne citer que ceux là. Puis la décennie noire est inaugurée : Arrestations, camps d’internement du sud... disparations, exodes, dégâts, crise économique...

 

Au procès de Ali Belhadj et Abassi Madani, dirigeants du FIS, devant le tribunal militaire de Blida, auditionné, Chadli Bendjedid fait allusion à un cabinet noir et de ses hommes armés (l'OJA ou escadrons de la mort) qui sont responsables de la tragédie, de même que les groupes islamistes terroristes. Est-il président durant 13 ans pour des prunes? Il n'est pas zinzin à ce point.

Qui est-il ce cabinet  noir ? A-t-il obligé Chadli à se taire, à se rendre complice du naufrage du bateau ALGERIE, en restant silencieux ? Son ouvrage "Mémoires d'Outre-tombe?" qui sera dans les librairies début novembre  2012 en dira-t-il plus ?

 

Tout compte fait, il est mort, et son bilan est d’une  médiocrité affolante.

 

NB

10/10/2012

           

 

 

 

 

 

 

Publié dans Politique

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