Les miniatures Mogholes: Qui sont les Moghols ? « La Horde d’or »
Il capta toutes les civilisations régionale qui, jusque-là, suivaient leur petit bonhomme de chemin de l’évolution sans se fréquenter beaucoup, ou même sans s’ouvrir aux civilisations contemporaines aux quelles reliait potentiellement la steppe des deux continents européens et asiatique, terrain plus que favorable à l‘échange des biens et des cultures.
Le grand héritier de la « Horde d’Or » fut Timur Lang ou Tamerlan (le boîteux), un Turc devenu le grand défenseur et chef de la population sédentaire de Transoxiane (région de la Perse), soumise aux Khans. En 1397, Tamerlan s’empare de plusieurs provinces de l’Inde, entre autre Delhi, et nomme un gouvernement qui fonde la dynastie des Sayyids qui sera renversée par celle des Afghans des Lodis qui garderont le trône de 1451 à 1526. Mais cette dynastie et éphémère, ne construira que des tombeaux de style Indo-Persan d’une grande vulgarité.
Naissance de la peinture Moghole au temps des Souverains
Zahirudin Muhammad Bâbour (1482-1530)
On dit de lui le « Personnage de cape et d’épée doublé d’un humanisme de la Renaissance ». Descendant de la lignée de Gengis Khan et de Tamerlan, il voulait reconstituer l’empire de ses ancêtres Moghols. Ses artistes assimilèrent complètement les formes d’expression esthétique des Persans. Les cités contrôlées par Bâbour rayonnent d’un extraordinaire niveau culturel. Samarkand, Boukhara, Balkh sont les joyaux de la civilisation Moghole.
Humayum
A partir de 1530, l’année de la mort de Bâbour, Hamayum lui succéda. Il a tous les traits de caractères de son père, fréquenta des artistes et s’initia à la pratique de l’art. Après que son trône a été plusieurs fois secoué, il s’exila à Kaboul, où il fit appeler auprès de lui deux peintres persans : Mir Sayyid Ali de Tabriz, et Abd Al-Samad de Chiraz, qu’il chargea d’illustre un manuscrit, le « Hamza-nameh ».
Akbar le grand
Il créa une capitale nouvelle « Fathe pour Sikn », près d’Agra, il lui donnera tous les moyens pour fusionner les peuples, les techniques et les croyances. Sans doute il est le seul empereur à avoir marqué le plus durablement le pays de son empreinte, tant par ses qualités de rassembleur d’empire, de politique, que par son génie d’unificateur social, religieux et artistique.
Il descend à la fois par sa mère et son père de ses aïeux Bâbour, Tamertan et Gengis Khan. C’est un passionné de mysticisme et de poésie, un réformateur et un véritable Machiavel. C’est un Moghol des grandes steppes qui va faire de l’Inde un Etat moderne. Il possède de riches ouvrages en Hindi, Persan, Grec, Arabe, etc. Il s’occupe de sciences, de maths, de métaphysique, d’art, et réunit l’une des plus vastes bibliothèques de l’Asie. En plus de la langue persane qui est usitée dans sa cour, il introduisit l’hindoustani, qui jadis était écarté. Cette langue formée de mots ourdous et persans est transcrite soit en caractères arabes ou hindis. Elle devient une langue de communication de tous les Moghols. Mais, il s’intéressa sur tout aux problèmes religieux. Il fait venir de partout des bouddhistes, des sages hindous, visnouites ou shivaïtes, des zoroastriens et des chrétiens, pour les opposer aux docteur de l’Islam sunnite ou shiite, ainsi les débats atteignirent le summum de la pensée humaine.
Il promulgue une loi de tolérance en 1593 qui stipule que toute personne quelle que soit sa religion, est égale en droit dans son empire. C’est une révolution, elle marque l’ampleur de vues de ce chef d’Etat qui a milité sans cesse pour l’abolition des castres, pour l’éradication de toute discrimination entre musulmans, hindous et autres, pour l’unité de fait du peuple de l’Inde. Son humanisme lui vaut bientôt la vindicte des Ulémas et des petits prophètes qui se sont autoproclamés. Sa tolérance le fait traiter d’hérétique par ceux qui veulent perpétuer une loi figée, diamétralement opposée à l’évolution de la pensée universelle. Akbar convaincu par la modernité, enlève aux Ulémas leurs prérogatives dans le gouvernement et la justice, pour conférer aux persan disposées à s’ouvrir à une religion moins formaliste et aux spéculations novatrices.
Les peintures ou les miniatures des manuscrits (1560-1580)
« Hamza-Nameh » est une histoire apocryphe d’un oncle du prophète Mohamed. Le manuscrit est composé de douze volumes, soit plus de mille quatre cent passages des chroniques illustrées par plusieurs artistes (environ cent peintres ont travaillé à cet ouvrage). Maintenant il ne reste plus que quelques pages qui sont conservées aux musées de Vienne et de Londres. Le traité de ces pages s’apparente à l’art persan, la manière est proche de la fresque des miniatures de l’Ecole de Behzad à cause du format dès feuillets (68x72cm). Un vigoureux expressionnisme, très étranger à la Perse, anime certaines peintures, qui comptent parmi les réalisations les plus originales de l’art Moghol. Le mouvement exaspére partout les scènes. Et la nouveauté la plus frappante de certaines pages et la naissance de l’espace et des volumes qui annonce le développement futur de la peinture Moghole. Les tonalités plus chaudes, différent elles aussi, des féeries colorées à la façon persane.
Les miniatures (1580-1600)
Les artistes, par souci de clarté, relient entre eux les différents éléments de la composition ; des diagonales déterminent les angles qui permettent à l’œil de suivre le déroulement de la scène, depuis le premier plan jusqu’aux lointains de type européen. Parfois, les acteurs jaillissent du bas de la page, qu’ils traversent obliquement avant de disparaître dans l’un des coins supérieurs. La décoration et l’illustration des manuscrits sont exécutées par des collectifs d’artistes impériaux. Ils ont souvent inscrit sur la marge d’une même peinture leurs noms. Il paraît, en effet, à l’époque d’Akbar, que l’addition de talents différents dans la même œuvre devait permettre d’atteindre une telle pratique faisant peu de cas de la personnalité de chaque peintre et ne pouvait que renflouer le caractère composite de l’art Moghol de la fin du XVIème siècle.
La miniature à Agra (1605-1627)
Au tourbillon des batailles et des exploits d’Akbar succède une vie de cour majestueusement réglé. Avec ce changement de personnalités et de situation politique, des répercussions sur la peinture du XVIIème siècle sont apparentes. Ainsi, les artistes renoncent aux compositions qui, par le dynamisme de leurs lignes, par le chatoiement de leur couleur s’attachent à décrire la geste impériale dans un langage décoratif encore proche de celui de la peinture persane et adoptent un art plus monumental et plus stable.
Atelier impérial
Beaucoup d'artistes Hindous travaillent dans l’atelier d’Akbar. Ils ont reçu une formation dans les écoles de peinture rajputes (Indiennes) de la première moitié du XVIème siècle. Il ne faut pas négliger le rôle de l’art européen, qui fut très prisé à l’époque d’Akbar. Il collectionna les images de piété chrétienne répandues dans le monde entier par les œuvres de graveurs flamands, qu’il fit copier par ses propres artistes. Ainsi, les peintres moghols purent-ils se familiariser avec l’art occidental, qui leur offrait des recettes techniques : minutie du dessin, souci du modèle et tout un répertoire de formules, de l’attitude des personnages jusqu’aux grands paysages panoramiques si typiques de la peintures européenne du XVIème siècle. Si forte puisse-t-elle paraître, cette influence occidentale n’affecte toutefois la miniature moghole que d’une façon superficielle.
Selim ou Jahangir Nour-ed-Din
Akbar a désigné son fils Jahangir pour lui succéder au trône de l’empire Moghol. On dit de lui qu’il est alcoolique, qu'il ne sera pas en mesure de gouverner. Sous son règne l’art de la miniature Moghol connaît son apogée. Tout débauché qu’il ait été, Jahangir n’en est pas moins un protecteur des arts. Il est un homme de lettres, un grand collectionneur, un amateur de curiosités en tous genres, notant soigneusement dans ses « mémoires » tout ce qui frappe son attention et chargeant ses peintres d’en faire des croquis sur le vifs. Il eut d’ailleurs l’occasion de connaître de mieux en mieux l’art occidental à la faveur d’ambassades anglaises et portugaises.
Les peintres de l’atelier impérial, profitant d’un patronage aussi éclairé firent de grands progrès, et tentèrent de nouvelles formules artistiques qui débouchèrent sur une synthèse originale. Le dessin est d’une finesse exceptionnelle qui rappelle celle des gravures hollandaises. Le coloris devient plus subtil, la palette est plus nuancée dans laquelle des demi-tons viennent assurer des transitions sans heurt dans un en ensemble soumis à une harmonie dominante. Les compositions sont plus savantes, et leurs différentes parties s’ordonnent les unes par rapport aux autres selon un schéma général qui tend, en particulier dans les scènes de la vie de cour, à un équilibre monumental. Des artistes comme Abu l’Hasan, Manehar et surtout Mansur ont laissé de grands chefs-d'œuvres d’études d’animaux.
Shah Jahan
Jahan (quatrième grand Moghol), succède à Jahangir en 1628. Au contraire d’Akbar, il met au point une politique d’intolérance religieuse. Persécute tous les adeptes des croyances autres que l’Islam. La seule réalisation digne de son nom qu’il a autorisé est le mausolée dédiée à sa femme : l’impératrice « Moumatz Mahall » qui meurt en couches en 1630. Le monument funéraire fut construit à partir de 1632 et achevé en 1652, ensuite deux mosquées Djami Masdjid et la Perle d’Agra furent construites aussi entre 1644-1658 ainsi que le Fort rouge de Dehli.
Après avoir tenté de s’étourdir plusieurs années durant dans les excès de la jouissance, il tombe malade alors qu’il avait déjà confié à ses fils d’administration des diverses provinces de son empire. En 1658, ceux-ci entrent en lutte pour s’emparer du pouvoir, c’est Aurangzeb qui a eu le dessus. Son père déchu, il l'enferma dans le palais du Fort rouge d’Agra. De sa prison dorée, il contemplait à l’horizon la hautaine silhouette de Tadj Mahall qui lui rappelle constamment le souvenir de sa compagne. Puis il mourra de chagrin après huit ans de captivité.
Néanmoins, sous le règne de Shah Jahan, la civilisation Moghole connaît un luxe et un raffinement inégale ; les grandes cités comme Lahore, Agra et Delhi qui devient capitale, se couvrent de monuments de marbre. Shah Jahan, s’intéressa peu à la peinture. Les peintres trouvèrent, à la faveur d’un style de vie de plus en plus luxueux à la cour, une clientèle parmi les nobles et en premier lieu celle de Dara Shikch, fils aîné de Shah Jahan. Les scènes de Darbar de Shah Jahan sont soumises à une géométrie plus stricte ; ainsi, au point de convergence des lignes de la composition, le souverain apparaît inaccessible, la finesse des éléments décoratifs, et des riches dorures s’accordent avec les harmonies générales très adoucies destinées à renforcer la stabilité monumentales des compositions, soulignées par des architectures de marbre.
Les réunion d’ascètes, de religieux sont très à l’honneur, tout comme les fakirs ou musiciens champêtres. On retrouve quelque fois des scènes galopantes d’amoureux sur des terrasses, qui vont connaître plus tard une vogue immense ; l’ombrage de la paupière douce au regard plein de sensualité, les formes féminines sont traités avec une grande délicatesse.
Aurangzeb (1658-1717)
Comme con père, il fait exécuter tous les prétendants et le vaste empire laissé par son père sera menacé ; il va tourner à la bigoterie, optant pour un sunnisme rigoureux et fondé exclusivement sur la loi coranique. Il vit cloîtré dans son palais, et n’est d’accord pour aucune innovation ; tout lui suffit, il annonce la décadence de la civilisation des grands Moghols. D’ailleurs, après lui c’est le véritable déluge de la « Horde d’Or ». Il considère les arts comme futilités indignes d’un bon musulman ; il a des adeptes maintenant dans notre pays. L’activité de l’atelier impérial se ralentit. Toutefois le Souverain accepte de se sacrifier aux exigences du portrait de cour. D’émouvants portraits le montrent vieux lisant le Coran, thème qui sera repris tout au long du XVIIIème siècle. Les scènes galantes dans l’esprit de l’époque de Shah Jahan ont la faveur de la clientèle privée. A sa mort déclin est définitif pour l’empire Moghol.
Quelques Shahs comme Muhammed (1713-1748), Slam (1759-1806) continuèrent tant bien que mal de propager la pratique de l’art de la miniature, puis vers le XIXème siècle, elle s’épuise, malgré quelques prouesses dans la tradition du XVIIIème siècle, avec toutefois une tendance au baroque sous l’influence de l’art occidental. Les artistes Moghols se contentent, dans la seconde moitié du XIXème siècle de pastiches et de copies d’œuvres anciennes.
Ainsi le développement et l’épanouissement de l’art dépend du degré de compréhension des acteurs politiques. La compréhension est synonyme de culture, civilisation et vécu personnel. Ce façonnement de l’esprit prend naissance dans le milieu social, les structures pédagogiques et l’expérience de la vie.
Les empereurs Moghols ont contribué à la civilisation hindoue et universelle. Ils ont compris la valeur de l'art et c’est pour cela qu’ils n’arrêtent pas de collectionner et de remplir leur bibliothèque d’ouvrages rares et d’aider les artistes à esquisser leurs plus belles pensées. Mais ceux qui ont fait l’école buissonnière de la civilisation ont précipiter le savoir, l’art et le peuple, dans le chaos.
Nacer Boudjou
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